Une bonne part de notre identité résulte d’un état de tension entre notre expérience corporelle, laquelle est fluide et changeante, et les catégories du langage et de nos représentations qui ont vocation à être stables et relativement permanentes. Nous devons constamment nous conditionner, répéter et entretenir l’usage de ces catégories qui assurent notre capacité à être reconnu-e et identifié-e de façon suffisamment prévisible dans un certain contexte culturel et social. C’est la dimension performative de l’identité.
Toutefois, cet effort pour maintenir un rapport stable entre ce que nous ressentons en tant que corps et la manière dont nous croyons devoir nous représenter aux autres peut être conséquent et avoir des effets durable sur notre psychisme, notre vie émotionnelle et sensorielle. C’est ce que dans les analyses des structures validistes de nos sociétés (c’est-à-dire organisées par et pour des corps valides, en fonction de certaines normes de fonctionnement, de représentation et de performance) on décrit par les phénomènes de sur-compensation. Par exemple, il peut s’agir pour des personnes autistes de l’effort considérable fourni pour masquer leurs traits autistiques, lesquels les exposeraient à une stigmatisation.
Cela est tout autant observable dans tous les cas où les individu-e-s sont forcé-e-s de se sur-adapter et de sur-compenser des systèmes collectifs d’inégalités jouant en leur défaveur. Cela peut être lié à des structures d’oppression fondées sur le genre supposé des personnes, sur des distinctions raciales, de classe social, d’orientation sexuelle, de handicaps physiques, cognitifs ou sociaux, …
De fait, l’image que l’on a de soi en est durablement affectée. L’effort que l’on produit pour maintenir la stabilité de cette image, dont on espère qu’elle nous permette de nous protéger d’une potentielle hostilité, quitte à tordre notre expérience émotionnelle et sensorielle première, forme une boucle de dépendance dont il peut être difficile de sortir. Reconnaître les facteurs oppressifs et normatifs qui agissent sur nous depuis l’extérieur est un pas important pour défaire les nœuds de dépendance systémiques et la souffrance que ceux-ci génèrent.


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