Chacun de nos gestes quotidien reflète une certaine manière dont notre corps a appris à se comporter au sein de nos contextes de vie sociale et familiale. Ces conduites apprises, d’une certaine manière, « codent » l’expérience que nous avons de nos environnements d’interaction à travers des schémas de comportement répétitifs et prévisibles. Ce caractère de prévisibilité semble nous garantir une forme protection et de stabilité au milieu des incertitudes de monde qui nous entoure, voire des formes d’agression que celles-ci peuvent revêtir.
De fait, pour nombre de personnes autistes, une manière de répondre à ces sources d’incertitude et d’agression peut être de pratiquer le stim. Le stim est le nom donné aux conduites du corps minimales et répétitives qui nous permettent de nous resituer dans notre propre expérience face à un trop-plein de stimulations sensorielles et/ou émotionnelles (il ne s’agit donc pas du nom donné à un certain langage de développement informatique). Il peut s’agir de balancements du corps, de mouvements rapides de la main, de paroles ou d’émissions vocales en boucle, … Si toutes les personnes autistes ne stimment pas, ce réflexe d’auto-préservation est très présent au sein de nos communautés (et aussi, souvent stéréotypé dans nombre de représentations de l’autisme par des personnes non-concernées).
De fait, de quoi parle-t-on quand on parle de codage du stim(Stim Coding) ? Ce terme m’a été inspiré du terme de queer coding, lequel illustre la manière dont des artistes LGBTIAP+ ont pu instiller des éléments issus des cultures queer dans la représentation de personnages de fiction, au sein de productions culturelles où la représentation frontale de personnages non-hétéronormés et non-cisgenres n’était pas possible. Un exemple de ce phénomène en est la longue histoire de queer coding des méchant-e-s de Walt Disney (Ursula dans La Petite Sirène, Scar dans Le Roi Lion, Capitaine Crochet dans Peter Pan, …).1
L’intérêt d’aborder un concept de stim coding et de développer un outil thérapeutique intra-communautaire autour de ça, c’est de nous interroger sur la source à partir de laquelle on construit le stim. En effet, en tant que personnes autistes, on stimme la plupart du temps en réponse à une forme d’agression extérieur, dans l’urgence de rétablir notre propre équilibre. Notre stim est donc d’une certaine manière « codé » à partir de la réponse à cette agression.
Le but d’une pratique de stim coding est donc de se saisir de l’impulsion de se protéger en faisant du stim, mais de désamorcer le lien entre le stim et la source de l’agression pour se le réapproprier selon nos propres termes. Pour ça, le travail du stim coding réside dans le fait d’apprendre à « rythmiser » le stim, c’est-à-dire de transformer le mouvement répétitif et linéaire du stim dans une forme rythmique à l’intérieur de laquelle on va réintroduire de l’espacement, de l’air, un rythme plus tranquille, une respiration. Si la plupart de nos stims naissent d’une forme d’urgence, le but du stim coding est d’y réintroduire du calme.
De fait, à travers le rythme qu’on va élaborer, on va travailler à transformer le sens qu’on donne au stim et en faire l’expression non plus d’un mode de défense, mais d’un geste créatif et de réinvention où notre propre corps puisse retrouver la liberté de respirer à sa manière. Ce n’est donc plus l’agression extérieur qui dicte le stim, mais nous-même qui le choisissons comme une forme d’expression à part entière. C’est pour cela qu’il est important de ne pas rigidifier le rythme qu’on va attribuer à son stim. Au contraire, le stim coding a une plus grande efficacité lorsqu’on y introduit une scansion relativement lâche et flexible. Le but est de nous rassurer sur notre capacité à relâcher le bouclier que l’on aurait tendance à refermer sur soi, non d’en créer un autre. Notre corps nous appartient et le stim coding est une manière parmi d’autres de nous le réapproprier.
C’est aussi une façon d’interroger la manière propre que l’on peut avoir de porter son attention sur les choses. Au lieu de subir l’injonction à répondre à notre environnement extérieur selon des normes prescrites, on peut au contraire réinventer la manière dont on se laisse surprendre par notre capacité propre à être réceptif-ve et à percevoir le monde qui nous entoure. Ne plus le subir, mais réussir à nous permettre de le choisir, de choisir la relation que l’on entame avec ce monde-là.
L’intérêt aussi de la pratique de stim coding, c’est qu’elle peut être participative et communautaire. On peut échanger entre nous sur nos différentes manières de l’aborder et apprendre à travers elles de nos différentes expériences. Son aspect ludique permet ainsi de faire de nos cultures autistes une véritable source d’expression esthétique et de soin qui nous appartienne pleinement, sans avoir toujours à être dépendante des mémoires d’agression qui l’ont fait naître.
Une première date est prévue le mercredi 29 mai de 18h30 à 20h30 avec l’association CLE-Autistes pour aider à transmettre et à s’approprier cet outil et en faire un élément nouveau de nos savoirs et de nos pratiques de soin communautaires.
Ce sera à la mairie du 20e, à prix conscient de 5€ et gratuit pour les membres de l’asso !
L’inscription est sur la page Yapla de l’événement.
1Lire https://www.catawiki.com/fr/stories/6261, par exemple.
Crédit : Anna Rakhvalova, 2018 ❤


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